Portrait de Nathalie Dupuy-Giraud, infirmière scolaire au collège Emmanuel Dupaty à Blanquefort

Comme beaucoup de mes collègues et consoeurs infirmiers et infirmières scolaires, je suis localisée dans un collège mais j’exerce à la fois dans ce que l’on appelle un bassin de recrutement, qui regroupe un certain nombre d’écoles primaires. Étant positionnée au collège Emmanuel-Dupaty à Blanquefort qui compte près de 800 élèves, j’interviens également toute la semaine dans 9 écoles de la commune (4 élémentaires et 5 maternelles), soit auprès de plus de 1 400 élèves. Beaucoup d’élèves sont scolarisés uniquement à Blanquefort, mais selon les bassins, une infirmière peut avoir à se déplacer sur différentes communes.  

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le rôle principal d’une infirmière scolaire n’est pas que de soigner les bobos. Nous avons beaucoup d’autres grandes missions, que nous exerçons en lien avec les médecins scolaires, les psychologues de l’Éducation nationale, assistantes sociales et les directions des établissements.

Notre mission principale est de veiller au bien être des élèves, avec une attention particulière pour les élèves à besoins particuliers qui sont par exemple porteurs d’un handicap, de maladies chroniques ou évolutives, ou ayant des difficultés d’apprentissages comme des troubles « dys ».

Depuis 2 ans, compte-tenu de la crise sanitaire, notre travail s’est complexifié. Le confinement et les aller-retours entre l’école et la maison pour cause d’isolement (cas contact, positif au Covid, professeur absent, fermeture de classe), rendent très compliqué la scolarisation. Après des périodes avec peu de temps en classe, certains n’arrivent plus à rester assis, ni à être attentifs.

D’autre part, certaines situations familiales se sont fragilisées (séparation, pertes emplois, changement de statut, de niveau et qualité de vie, de mode de garde…) bouleversant le quotidien des enfants et amenant de l’inquiétude et de l’anxiété. Nous nous efforçons donc à notre niveau de gérer au mieux ces situations et d’accompagner les familles et les enfants.

Nous veillons aussi à assurer la protection de l’enfance, grâce à un suivi particulier lorsqu’une situation à risque pour l’enfant peut être identifiée, que ce soit lors d’un entretien de contrôle, ou d’une rencontre à la demande de la famille, d’enseignants ou de personnels, ou de l’enfant lui-même. Les enfants peuvent par exemple être ciblés en cas d’absentéisme ou de difficultés scolaires. Si une situation inquiétante est dépistée sans mise en danger immédiate de l’enfant, nous adressons en lien avec l’assistante sociale, le médecin scolaire et la psychologue une « information préoccupante » à la cellule de recueil des informations préoccupantes (conseil départemental), qui, après évaluation, va le plus souvent diligenter une enquête sociale de la Maison du département des solidarités et de l’insertion (MDSI). En cas de situation de mise en danger immédiate, nous réalisons un signalement au procureur de la République pour intervention immédiate.

Nous réalisons également des dépistages systématiques à l’entrée en 6e. Chaque élève est reçu environ 1h en entretien, durant lequel nous effectuons un bilan biométrique (vue, audition, poids/taille, statique, dentition, etc) mais aussi des habitudes de vie pour pouvoir notamment détecter d’éventuelles violences intrafamiliale. C’est aussi l’occasion de détecter des problèmes d’alimentation, de surconsommation d’écrans ou de manque sommeil par exemple. Nous donnons nos conclusions aux familles, assorties de conseils et de recommandations en cas de nécessité d’intervention extérieure (vaccination, bilan optique, soin de carie…).

Cela fait le lien avec une autre grande mission : l’éducation pour la santé. Ce temps d’échanges individuel nous permet une sensibilisation pour qu’ils deviennent de véritables acteurs de leur santé. Nous organisons également des interventions collectives en classe sur des thématiques allant de la bonne posture à l’école (prévention des douleurs du dos) à la responsabilisation d’un ado (le rapport à un groupe, des situations toxiques, le harcèlement, la vie affective et sexuelle…). Ces interventions se font dans le cadre du CESC (Comité pour d’Education pour la Santé et la Citoyenneté) qui tente, au sein de chaque établissement, d’apporter des éléments de réflexion aux adolescents en matière de santé et de citoyenneté (les élèves en sont d’ailleurs membres actifs).

Les infirmières scolaires peuvent être amenées à réaliser de nombreuses autres missions comme par exemple la formation au secourisme, pour les élèves ou les personnels, ou encore l’accueil et l’encadrement de stagiaires étudiants infirmiers et en santé, qui ont l’obligation pour certifier leur formation d’avoir effectué une action en santé publique avant de finir leur formation. Nous intervenons également dans la gestion d’événements traumatiques : nous participons à la cellule de crise et apportons soit une première expertise, si nous y sommes formées, soit nous orientons les élèves et les adultes qui pourraient être fragilisés vers les secours. Nous participons également aux cellules d’écoute mises en place. Nous pouvons également être coordinatrices de zone d’animation pédagogique (ZAP) et ainsi être le relai entre la conseillère technique départementale et les infirmières pour coordonner nos actions en lien avec le projet académique.  Nous pouvons être sollicitées par les enseignants pour intervenir sur de nombreux domaines tels que le harcèlement scolaire. Nous avons également réalisé les campagnes de tests antigéniques dans les établissements du 2nd degré et assurons le tutorat de nos nouveaux collègues. Nous pouvons enfin participer à des jurys, comme ceux du CAP petite enfance ou encore assurer la relecture de mémoires de fin d’année étudiants.

Le métier d’infirmière scolaire c’est donc avant tout être à l’écoute, pour identifier les besoins de chacun, travailler en équipe et avec les familles pour apporter le meilleur accompagnement, être polyvalent car les actions sont aussi riches que variées et enfin savoir temporiser, car nous sommes sollicitées sur de nombreuses situations et nous devons savoir hiérarchiser nos tâches pour aller prioritairement vers les cas qui ont le plus besoin de notre intervention.

Ce que j’adore dans mon métier, c’est que l’on ne s’ennuie pas : je ne sais jamais le matin ce qui va arriver dans la journée. Il y a une richesse dans les missions qui permet d’aller vers ce qui nous attire le plus. Certaines développeront les partenariats, d’autres seront proactives sur une thématique comme la protection de l’enfance, quand d’autres s’investiront dans la formation : autant de projets aussi passionnants que variés. Notre collaboration avec les chefs d’établissements est définitivement précieuse, elle est indispensable pour que nous puissions mener à bien nos missions. Grâce à notre regard différent sur le parcours d’un enfant, allant au-delà du scolaire, nous permettons une prise en charge de l’élève beaucoup plus juste et globale.

Nous retirons également une grande satisfaction de voir que nos actions ont permis d’agir sur la santé et le bien-être des élèves, de voir des jeunes qui reviennent à l’école, ou d’éclairer le quotidien d’un enfant. J’ai par exemple accompagné une élève diabétique qui quittait pour la première fois l’environnement rassurant de sa maison pour partir en voyage scolaire. Sa maman ne la laissait partir qu’à la condition de ma présence : elle en a été métamorphosée et sa maman aussi. Ce sont de petites victoires qui montrent que l’on est vraiment utile en tant qu’infirmière scolaire.

Mise à jour : mai 2022