Zut, on a encore oublié Madame Lavoisier !

Projet innovant initié en 2012 au Collège René Soubaigné de Mugron (Landes), fondé sur l’interdisciplinarité Lettres-Histoire/Géographie-Physique/Chimie, SVT et EPS. Une transcription exemplaire des politiques publiques en matière d’égalité et une manière d’ouvrir le champ des possibles pour les filles et les garçons.

Par Marie-Catherine Dupouy et Nelly Liarescq-Labourdette

Le Collège René Soubaigné accueille une population de 250 élèves issus à 48% de CSP défavorisées. Le climat y est serein et les élèves réussissent bien. Si les équipes se mobilisent autour de la notion de projet, le collège peine à promouvoir les élèves. La question de l’ambition est posée : bien souvent limitée, adossée à des représentations figées autour des voies de formation et des métiers, et à des clichés sur ce qui fait traditionnellement le masculin et le féminin. Le projet d’établissement entend ouvrir le champ des possibles, notamment en termes d’orientation. 

Portrait d’Antoine-Laurent Lavoisier et de sa femme par JL David (1788)

Portrait d’Antoine-Laurent Lavoisier et de sa femme par JL David (1788)
 

C’est dans ce contexte que l’expérimentation « Zut, on a encore oublié Madame Lavoisier ! » est initiée. Il s’agit de s’affranchir des déterminismes, de transmettre la valeur d’égalité fille-garçon, d’encourager les filles et les garçons à briguer les formations dans lesquelles elles-ils sont capables de réussir. Elle s’adresse aux élèves de 4ème et aborde l’égalité notamment par le biais des sciences : les élèves découvrent des personnages historiques féminins qui se sont illustrés dans le domaine scientifique :

  • Marie-Anne Lavoisier, présentée en sciences-physiques et en histoire. Les programmes évoquent le savant Antoine-Laurent Lavoisier, intellectuel du siècle des Lumières qui travailla sur l’oxygène et l’hydrogène. Pourquoi ne pas souligner le rôle de Marie-Anne Lavoisier qui aida son mari dans ses expériences scientifiques ?

 

  • Emilie du Châtelet, figure centrale d’un roman épistolaire : les élèves rédigent des lettres en prenant les rôles de Voltaire et de Madame du Châtelet, première femme de sciences française, traductrice de Newton. Une tâche complexe menée en français, histoire et sciences-physiques.
    Emilie du Châtelet (1706-1749) 

Emilie du Châtelet (1706-1749) 


 
Parallèlement à une approche genrée des cultures humaniste, scientifique et technologique, l’expérimentation se saisit des opportunités offertes durant l’ année scolaire pour développer la valeur égalité : collaboration avec le Centre Lacq-Odyssée (Mourenx) et son programme « Savoir en partage » ; participation à l’opération « Faites de la Science » ; élaboration d’une classe à Projet Artistique et Culturel autour de la femme de lettres de la Révolution française Olympe de Gouges .

 
« Zut, on a encore oublié Madame Lavoisier ! » favorise une mixité active à travers l’animation et la constitution de groupes de travail. Dans le tableau final des saynètes élaborées en EPS et en Education civique pour l’édition 2014 des Olympe de la parole, filles et garçons pointent le doigt vers le plafond de verre qu’une gymnaste-voltigeuse portée par ses camarades s’apprête à briser.  

Olympes de la parole, édition 2014 : les jeunes pointent ensemble le plafond de verre



Ce travail a bénéficié d’un accompagnement institutionnel précieux : en plus de la cellule académique à l’innovation-expérimentation, la DSDEN et des services d’orientation, l’URCIDFF et son antenne des Landes, la DIRECTE 40, enfin la DRJSCS Aquitaine ont composé un attelage déterminant dans la conduite d’un projet qui engage le territoire. L’expertise de Johanna Dagorn, chercheuse à l’Observatoire International de la Violence à l’Ecole (Université de Bordeaux) et membre du comité scientifique du réseau Mixité, parité, genre permet de sortir du champ du militantisme en donnant à l’action une assise scientifique. 

Si l’impact de l’expérimentation reste difficile à mesurer à ce stade, la valeur égalité chemine : les filles expriment leur désapprobation devant les inégalités hommes-femmes ; certaines perçoivent la sous-représentation des femmes dans les manuels scolaires.

Permettre à tous les élèves de mener à bien un projet personnel de formation en ayant la capacité de mettre à distance et de surmonter les mécanismes qui peuvent restreindre les choix est le pari que nous faisons. Un pari sur l’avenir de de futures citoyennes émancipées et responsables que nous entendons relever dans le cadre du partenariat éducatif Famille-Ecole. 

Marie-Catherine Dupouy est principale du Collège René Soubaigné depuis 2009. 

Nelly Liarescq-Labourdette est enseignante d’Histoire-Géographie dans le même établissement. 

Mise à jour : juin 2021